A propos de la cigarette en psychiatrie.
Impossible
de parler des patients en psychiatrie et des lieux institutionnels qui les
reçoivent sans parler de la cigarette, du tabac, très souvent associé au café.
« T’as pas une cigarette
entend-on très souvent ? ». J’ai connu des patients prêts à tout et sans limite pour une
cigarette. De la prostitution au ramassage de mégots que l’on roule
entre des feuilles de papier toutes chiffonnées, le quotidien occupationnel est
tout tracé. La cigarette là ne peut être évoquée sans penser à ces effets
néfastes.
« Patrick,
patient psychotique qui se prostituait parfois pour une cigarette connaissait
des périodes d’apragmatisme telles qu’il ne semblait plus avoir le courage de
parler. Et, quand nous le croisions alors, il faisait le geste de la cigarette
pour nous en réclamer une, économisant son énergie pour ensuite inspirer des
taffes goulues… »
Des taffes goulues, bien souvent les patients tirent
ardemment sur leur cigarette dont l’extrémité s’étend alors tout au long de la
cigarette par sa chaleur.
Dans le
passé les patients percevaient un pécule quand ils travaillaient dans des
ateliers. Aujourd’hui, ces activités devenues thérapeutiques dans leur
appellation, ne leur permettent plus d’acheter des cigarettes car elles sont
non rémunérées. Alors ?
Pensez-vous
qu’avec une AAH les patients puissent fumer beaucoup de paquets de cigarettes
américaines ? (Moins de 600 euros par mois/ paquet de Marlboro à plus de 3
euros je pense).
Parler de
la cigarette sans parler du paradoxe
de la loi EVIN sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics est
impossible.
D’un coté
le tabac est admis dans ces lieux de soins qui présentent déjà les interdits
des lieux d’enfermement alors, priver les patients de cigarettes déshumaniserait
encore plus l’hôpital.
Il arrive
aussi que soignant et soigné se rencontrent autour d’une cigarette. Nos
patients en chambre d’isolement fument en notre présence ? Parfois un
infirmier les accompagne. Parler de la cigarette c’est parler du quotidien des unités
de soin. Il n’est pas loin encore le temps où le patient pouvait se procurer du tabac dans
l’établissement. Maintenant, la loi en interdit la vente.
La
cigarette c’est un domaine de discorde mais aussi de rapprochements, de
complicité des patients, entre patients et soignants. C’est aussi des moments
féconds de rencontres, d’entretiens et un médiateur pour les échanges.
La cigarette est très importante pour nos patients
angoissés, en souffrance. Elle représente un éxutoire anxiogène. C’est
pourquoi, en franchissant le seuil des Centre Hospitaliers Psychiatriques vous
serez amenés à découvrir le paradoxe d’un affichage « hôpital sans tabac [1]»
avec des lieux de soins disposant de salle fumeurs. Dans les cliniques privées, cette salle fumeurs
est le boudoir nauséanbonds du bout de couloir…
Jules Laforgue
Oui, ce monde est bien
plat ; quant à l’autre, sornettes.
Moi, je vais résigné, sans
espoir, à mon sort,
Et pour tuer le temps, en
attendant la mort,
Je fume au nez des dieux de
fines cigarettes.
Allez, vivants, luttez, pauvres futurs squelettes.
Moi, le méandre bleu qui vers
le ciel se tord
Me plonge en une extase
infinie et m’endort
Comme aux parfums mourants de
mille cassolettes.
Et j’entre au paradis, fleuri de rêves clairs
Ou l’on voit se mêler en
valses fantastiques
Des éléphants en rut à des
chœurs de moustiques.
Et puis, quand je m’éveille en songeant à mes vers,
Je contemple, le cœur plein
d’une douce joie,
Mon cher pouce rôti comme une
cuisse d’oie.
Loi du 10 janvier 1991 (dite loi Evin) parue au J.O. du 12 janvier 1991
LOI n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme (1)
NOR : SPSX9000097L
L’assemblée nationale
et le Sénat ont adopté,
Vu la décision du Conseil constitutionnel n°90-283 DC en date du 8 janvier
1991,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art. 1er. – A compter du 1er janvier 1992, il est interdit de prendre en compte le prix du tabac pour le calcul des indices de prix à la consommation, publiés par les administrations de l’Etat, et notamment l’Institut national de la statistique et des études économiques.
Art. 2. –
L’article L.192 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
" Ils reçoivent à cette occasion par le médecin scolaire une
information concernant les causes, les conséquences et les moyens de traitement
et de lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme et la toxicomanie. "
TITRE 1er
DISPOSITIONS RELATIVES A LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME
Art. 3. – I. – A
compter du 1er janvier 1993, l’article 2 de la loi n°76-616 du 9
juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme est ainsi rédigé :
" Art. 2. – Toute propagande ou
publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac ou des produits du tabac
ainsi que toute distribution gratuite sont interdites.
" Ces dispositions ne s’appliquent pas aux
enseignes des débits de tabac, ni aux affichettes disposées à l’intérieur de
ces établissements, non visibles de l’extérieur, à condition que ces enseignes
ou ces affichettes soient conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel.
" Toute opération de parrainage est
interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité
directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac. "
II. – Jusqu’au 1er janvier 1993, les dispositions actuelles de l’article 2 de la loi n°76-616 du 9 juillet 1976 demeurent en vigueur sous réserve de la modification suivante : après les mots " de propagande et de publicité " sont insérés les mots " , directe ou indirecte, ".
Art. 4. – Les articles 1er 3, 9, 12, 16 et 18 de la loi n°76-616 du 9 juillet 1976 précitée sont ainsi rédigés :
" Art. 1er. – Sont considérés comme des produits du tabac les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu’ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même s’ils ne contiennent pas de tabac, au sens du troisième alinéa (2°) de l’article 564 decies du code général des impôts. "
" Art. 3. – Est considérée comme propagande ou publicité
indirecte toute propagande ou publicité en faveur d’un organisme, d’un service,
d’une activité, d’un produit ou d’un article autre que le tabac ou un produit
du tabac lorsque par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une
marque, d’un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif, elle
rappelle le tabac ou un produit du tabac.
" Toutefois, ces dispositions ne sont pas
applicables à la propagande ou à la publicité en faveur d’un produit autre que
le tabac ou un produit du tabac qui a été mis sur le marché avant le 1er
janvier 1990 par une entreprise juridiquement et financièrement distincte de
toute entreprise qui fabrique, importe ou commercialise du tabac ou un produit
du tabac. La création de tout lien juridique ou financier entre ces entreprises
rend caduque cette dérogation. "
" Art. 9. – I. – les teneurs maximales en goudron des
cigarettes sont fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé.
" II. – Chaque unité de conditionnement du
tabac ou des produits du tabac doit porter selon les modalités précisées par un
arrêté du ministre chargé de la santé la mention : " Nuit
gravement à la santé ".
" III. – Chaque paquet de cigarettes porte
mention :
" 1° De la composition intégrale, sauf, s’il
y a lieu, en ce qui concerne les filtres ;
" 2° De la teneur moyenne en goudrons et en
nicotine.
" Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe les modalités
d’inscription de ces mentions obligatoires, les méthodes d’analyse permettant
de mesurer la teneur en nicotine et en goudron et les méthodes de vérification
de l’exactitude des mentions portées sur les paquets.
" Chaque paquet de cigarettes porte, en
outre, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé,
un message de caractère sanitaire.
" IV. – les unités de conditionnement du tabac et des produits du tabac produites avant le 31 décembre 1991 qui ne seraient pas conformes aux dispositions des paragraphes II et III ci-dessus peuvent être commercialisées jusqu’au 31 décembre 1992 en ce qui concerne les cigarettes et jusqu’au 31 décembre 1993 en ce qui concerne les autres produits du tabac, à condition toutefois, d’une part, de comporter mention de la composition intégrale, sauf, s’il y a lieu, en ce qui concerne les filtres, et de la teneur moyenne en goudron et en nicotine et, d’autre part, d’indiquer, en caractères parfaitement apparents, la mention : " abus dangereux ". "
" Art. 12. – Les infractions aux dispositions du présent
titre sont punies d’une amende de 50 000 F à 500 000 F. En cas de propagande ou
de publicité interdite le maximum de l’amende peut être porté à 50 p. 100 du
montant des dépenses consacrées à l’opération illégale.
" En cas de récidive, le tribunal peut
interdire pendant une durée de un à cinq ans la vente des produits qui ont fait
l’objet de l’opération illégale.
" Le tribunal ordonne, s’il y a lieu, la
suppression, l’enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux
frais des délinquants.
" Le tribunal peut, compte tenu des circonstances
de fait, décider que les personnes morales, sont en totalité ou en partie
solidairement responsables du paiement des amendes et des frais de justice mis
à la charge de leurs dirigeants ou de leurs préposés.
" La cessation de la publicité peut être
ordonnée soit sur réquisition du ministère public, soit d’office par le juge
d’instruction ou le tribunal saisi des poursuites. La mesure ainsi prise est
exécutoire nonobstant toutes voies de recours. Mainlevée peut être donnée par
la juridiction qui l’a ordonnée ou qui est saisie du dossier. La mesure cesse
d’avoir effet en cas de décision de non-lieu ou de relaxe.
" Les décisions statuant sur les demandes de
mainlevée peuvent faire l’objet d’un recours devant la chambre d’accusation ou
devant la cour d’appel selon qu’elles ont été prononcées par un juge
d’instruction ou par le tribunal saisi des poursuites.
" La chambre d’accusation ou la cour d’appel
statue dans un délai de dix jours à compter de la réception des
pièces. "
" Art. 16. – Il est interdit de fumer dans les lieux affectés
à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transports
collectifs, sauf dans les emplacements réservés aux fumeurs.
" Un décret en Conseil d’Etat fixe les
conditions d’application de l’alinéa précédent. "
" Art. 18. – Les associations dont l’objet statutaire comporte la lutte contre le tabagisme, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions aux dispositions de la présente loi. "
Art. 5. – Les articles
13 à 15 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 précitée sont abrogés.
Art. 6. – I. – Jusqu’au 31 décembre 1992, toute propagande ou publicité en faveur du tabac ou des produits du tabac est assortie d’un message de caractère sanitaire dans les conditions fixées par un arrêté du ministère chargé de la santé.
II. La surface
consacrée annuellement dans la presse écrite à la propagande ou à la publicité
en faveur du tabac ou des produits du tabac sera en 1991 inférieure d’un tiers
et en 1992 de deux tiers à celle qui leur a été consacrée en moyenne pendant
les années 1974 et 1975. Il sera fait application à cette fin de l’article 8 de
la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 précitée.
Ces dispositions s’appliquent aux contrats en cours à la date de promulgation
de la présente loi.
Art. 7. – Le Gouvernement fixe par décret la date d’une manifestation annuelle intitulée : " Jour sans tabac ".
Art. 8. – Toute
infraction aux dispositions de l’article 6 est punie d’une amende de 25 000 F à
250 000 F. Le maximum de la peine peut être porté à 50 p. 100 des dépenses
consacrées à la propagande ou à la publicité interdite.
Le tribunal peut, compte tenu des circonstances de fait, décider que les
personnes morales sont en totalité ou en partie solidairement responsables du
paiement des amendes et des frais de justice mis à la charge de leurs
dirigeants ou de leurs préposés.
Les associations mentionnées à l’article 18 de la loi n° 76-616 du 9 juillet
1976 précitée peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les
infractions aux dispositions de l’article 6.
Art. 9. – A
compter du 1er janvier 1993 :
I. – Il est créé au livre III du code de la santé
publique un titre VIII ainsi intitulé : " Titre VIII. – Lutte
contre le tabagisme " et comprenant les articles L.355-24 à L.355-32.
II. – Les articles 1er, 2, 3, 6, 9, 12, 16,
17 et 18 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 précitée deviennent
respectivement les articles L. 355-25, L. 355-26, L. 355-29, L. 355-27, L.
355-31, L. 355-28, L. 355-30 et L. 355-32.
III. – A l’article L. 355-30, les mots :
" du code de la santé publique " sont supprimés ; au
premier alinéa de l’article L. 355-31, les mots " du présent
titre " sont remplacés par les mots : " des articles
L. 355-24 et L. 355-27 " ; à l’article L. 355-32, les
mots : " de la présente loi " sont remplacés par les
mots : " du présent titre ".
IV. – Les articles 4, 5, 7, 8, 10 et 11 de la loi n°
76-616 du 9 juillet 1976 précitée sont abrogés.
La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.
Fait à Paris, le 10 janvier 1991.
Par le Président de la
République :
FRANçOIS MITTERRAND
Le Premier
Ministre,
MICHEL ROCARD
Le ministre d’Etat,
ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports,
Lionel Jospin
Le ministre d’Etat,
ministre de l’économie, des finances et du budget,
PIERRE BEREGOVOY
Le garde des
sceaux, ministre de la justice,
HENRI NALLET
Le ministre de
l’intérieur,
PIERRE JOXE
Le ministre de
l’industrie et de l’aménagement du territoire,
ROGER FAUROUX
Le ministre de
l’agriculture et de la forêt,
LOUIS MERMAZ
Le ministre de la
culture, de la communication et des grands travaux,
JACK LANG
Le ministre des
affaires sociales et de la solidarité,
CLAUDE EVIN
Le ministre délégué
au tourisme,
JEAN-MICHEL BAYLET
Le ministre délégué
à la communication,
CATHERINE TASCA
Le ministre délégué
à la santé,
BRUNO DURIEUX
Le secrétaire
d’Etat à la jeunesse et aux sports,
ROGER BAMBUCK
_____________________
1.
Travaux
préparatoires : loi n° 91-32.
Assemblée nationale :
Projet de loi n°1418 et propositions de loi n° 498,
1245 et 1 ;
Rapport de M. Jean-Marie Le Guen, au nom de la
commission des affaires culturelles, n° 1482, et avis de M. Jean Oelher, au nom
de la commission de la production ;
Discussion les 25 et 26 juin 1990 et adoption, après
déclaration d’urgence, le 26 juin 1990.
Sénat :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, en
première lecture après déclaration d’urgence, n° 437 (1989-1990) ;
Rapport de M. Charles Descours, au nom de la
commission des affaires sociales, n°3 (1990-1991) ;
Avis de la commission des affaires économiques n° 4
(1990-1991) et des affaires culturelles n° 8 (1990-1991) ;
Discussion les 1, 12 et 16 octobre 1990 et adoption le
16 octobre 1990.
Assemblée
nationale :
Projet de loi, modifié par le Sénat en première
lecture, n° 1648 ;
Rapport au nom de la commission mixte paritaire, n°
1783 ;
Discussion et adoption le 11 décembre 1990.
Sénat :
Projet de loi adopté par l’Assemblée nationale ;
Rapport de M. Charles Descours, au nom de la
commission mixte paritaire, n° 123 (1990-1991) ;
Discussion et adoption le 13 décembre 1990.
Conseil
constitutionnel :
Décision n°90-283 DC du 8 janvier 1991, publiée au Journal
officiel du 10 janvier 1991.