LA
RENCONTRE
Créer
"la rencontre" avec des personnes sévèrement handicapées «
serait » une volonté d’équipe.
Cette
démarche ne doit pas interférer avec la démarche médicale ou paramédicale.
Elle
doit être un complément utilisant le langage du corps pour ouvrir un
dialogue "en direct".
Ce
concept s'appuie sur les sens profonds, facilite la prise de conscience du
corps, respecte les rythmes, les limites, les objectifs.
Il
peut se révéler comme un fil conducteur
pour les soignants.
Personnes concernées
Les
équipes soignantes au quotidien médicale, paramédicale et parents.
OBJECTIFS
-
Dégager des lignes de réflexions permettant de prendre en compte la personne
handicapée avec ses possibilités quel que soit l’âge.
-
Approfondir la connaissance du développement des différents sens.
-
Déterminer des pistes pour une approche pratique du concept de stimulation
sensorielle.
-
Etablir un projet de soin adapté à chacun
HISTORIQUE
L'approche
remonte aux années 70.
Dans une démarche psychopédagogique s'adressant à l'origine à des personnes
ayant un polyhandicap.
Sa
« philosophie » souhaite respecter les droits et les besoins
fondamentaux de l'être humain; elle reste basée sur des valeurs étiques et sur
les connaissances psychologiques et neurologiques du développement de l'être
humain.
La
période intra-utérine et l'expérience sensori-motrice de la prime enfance sont
des références déterminantes dans cette approche.
Andreas
Fröhlicha fondateur du concept croyait profondément que tout être humain a
droit à une éducation, même s'il a une lésion cérébrale grave à la naissance.
Il a rencontré de nombreux parents et professionnels démunis face à la gravité
de ce handicap.
Les moyens conventionnels de l'éducation et de l'enseignement spécialisé de
cette époque ne correspondaient pas vraiment aux besoins de ces enfants.
Les
travaux de recherche et les connaissances acquises dans le domaine de la
neurologie, l'ont conduit à sa première hypothèse : en proposant des
expériences sensorielles simples, claires et structurées, on évite que la
situation de départ de ces enfants ne s'aggrave. Qu’il devient possible de créer
les connexions de base nécessaires à leur développement.
On
a ensuite adapté le concept à
l'adolescent et à l'adulte polyhandicapés en tenant compte des besoins et des
droits qui correspondent à l'âge réel et qui tiennent compte de l'histoire
personnelle.
On a pu constater que le développement de l'être humain est
un processus interactif très complexe, et la stimulation basale a évolué vers
une approche de plus en plus individualisée.
A
partir de son corps, point de départ, la personne peut se sentir exister et
entrer en contact avec l'extérieur.
La communication est décisive pour l'évolution de chacun.
Il ne s'agit pas de proposer des activités stéréotypées et de procurer
des sensations, il s'agit d'évaluer la situation individuelle, de respecter la
disponibilité et le rythme de la personne, pour trouver des conditions et des
«arrangements» qui permettent à la personne polyhandicapée d'avoir envie de
vivre des expériences significatives à travers son propre corps et au contact
du monde extérieur.
En
offrant des expériences élémentaires « de bases » sans attendre de résultats
immédiats, on crée des liens permettant de construire l'individualité sur la
base d'une relation de confiance.
A partir de cette relation de confiance, nous pouvons espérer que la personne
trouve du sens aux expériences qui lui sont proposées, et les intègrent dans
son évolution.
Si
nous nous centrons sur l'individu et non pas sur les outils et les méthodes,
nous avons la certitude de n'exclure personne.
Cette approche demande de la créativité et de l'imagination pour proposer
des réponses et des modes d'interaction à des personnes se trouvant dans
une logique différente et qui ont des modes de perception différents.
A
QUI PEUT-ON LA DESTINER ?
Initialement,
cette approche a été développée exclusivement à l'intention des enfants
polyhandicapés profonds.
Depuis lors, la
stimulation basale a également trouvé des applications dans d'autres domaines,
notamment les soins infirmiers.
Il
faut pouvoir considérer que l’expérience corporelle et également la
différenciation des émotions sont également concernées de manière tout à fait
essentielle.
Il
faut dire que la personne handicapée est capable de beaucoup de choses :
·
Dans la proximité physique, elle peut vivre
des expériences en contact direct avec son environnement.
• Elle montre sa volonté et sa capacité à
vivre et est la plupart du temps heureuse, et parfois malheureuse comme nous.
Cela
pour montrer, fondamentalement, que les points que nous avons en commun avec
ces enfants sont plus nombreux que ceux qui nous en séparent.
Un
handicap grave implique une grande dépendance et un besoin d'assistance quasi
permanent.
De
nombreuses activités quotidiennes (et parfois l'ensemble de ces activités) doivent
être prises en charge par les parents ou le personnel d'accompagnement.
L’alimentation nécessite de grands efforts et
parfois même une intervention médicale.
Ces personnes vivent, c'est le fait essentiel. En général, les parents
comprennent cela intuitivement, sans que d'autres justifications soient
nécessaires.
L’APPROCHE
La stimulation basale n’est ni une méthode, ni
une technique.
Il s'agit d'un concept qui a subi certaines modifications au cours des
vingt dernières années et qui, à l'avenir également, ne manquera pas de
s'adapter aux progrès des connaissances et aux nouveaux besoins. Certaines idées
fondamentales ont été déterminantes quant à la manière de procéder dans le
cadre de cette approche, qui est tout sauf un système fermé. De ce fait, il est important
d'y intégrer partiellement d'autres approches et d’y apporter des compléments utiles.
La réflexion est centrée sur le modèle de la
«globalité».
Par
globalité on entend qu'une seule et même personne est impliquée simultanément
dans une grande variété de processus vitaux, d'expériences,
de sensations, de perceptions, de pensées, de mouvements et de communications.
Cette vision d’ensemble est valable pour les
parents, les enseignants et les thérapeutes qui, ne sauraient se « découper »
en fonctions isolées.
Chaque soin est en même temps un acte de
communication, qui se doit de transmettre quelque chose de la personne
elle-même.
C'est en ce sens que la stimulation basale n'a
cessé de s'affirmer comme une idée fondamentale dans le domaine des relations
interpersonnelles.
Si l’on prend en charge la personne handicapée,
nous essayons de créer une proximité qui permette d'entrer en relation
réciproque.
Lorsqu'une base relationnelle commune a été
trouvée (code d’accès), la réflexion sur les encouragements à donner et le
développement trouvent leur sens.
Nous essayons, d'initier une communication
faite d'expériences et d'impressions au travers du corps.
L'éducateur, le thérapeute, le maître d'école,
le père ou toute autre personne s'occupant de la personne handicapée est
impliquée au niveau de son propre corps.
Le corps représente la forme par laquelle nous
existons au monde.
Grâce aux mouvements que nous faisons, nous
percevons le monde, engagés dans les rapports de communication avec les autres
êtres humains.
Perception, mouvement et communication
constituent les éléments essentiels du développement.
Il apparaît tout d'abord que les enfants handicapés profonds sont d'abord
diminués dans leurs capacités motrices.
Conséquence de cette incapacité à se
développer, afin de découvrir le monde, ils ne
peuvent qu’être limités dans leur perception
dans certains domaines, ainsi qu’à certaines parties de leur corps.
C'est là que nous tentons d'intervenir, afin
de les aider à se découvrir et à découvrir le monde (par la mise à disposition
de nos propres capacités motrices).
Le Développement
Individuel
Chaque enfant est différent des autres enfants
de par leur patrimoine génétique spécifique .
Il se différencie également par son destin
personnel, par l'histoire de sa maladie et de son handicap.
Le développement dit normal demeure toujours
une sorte de fil conducteur, mais les écarts individuels, les chemins
personnels qu'un enfant suit ou est obligé de suivre ne doivent pas pour autant
être «rectifiés» prématurément.
Vivre avec un handicap profond est pour
l'enfant une tâche considérable dont il ne viendra à bout qu'au prix de
sacrifices et avec les soutiens les plus divers et les plus affectueux de sa
famille et des professionnels qui l'entourent.
L'une des missions essentielles des pédagogues
et des thérapeutes consiste à aider l'enfant à trouver le chemin de son
développement personnel, sans renier son identité ni renoncer à sa
personnalité.
Ne
Pas Formater
L'éducation, la thérapie, la stimulation,
l'exercice et l'entraînement ne sont que des propositions faites à
l'individu, dont il peut se servir et qu'il peut intégrer dans son propre
développement.
Nous ne devons pas les former « à notre image ».
Ce sont précisément les enfants handicapés
profonds qui nous montrent souvent qu'ils refusent nos propositions.
Ils ferment les yeux, s'endorment et semblent
nous ignorer totalement.
Si nous ne pouvons pas les atteindre, nous ne
pouvons pas avoir le moindre impact sur eux.
Cela signifie que nous devons nous adapter
entièrement à leur niveau, à leur degré de vérité et à leurs
intérêts.
Nous ne pouvons pas, comme cela se fait
souvent en pédagogie classique, modifier l'attitude de l'enfant avec des
compliments et des réprimandes et en faisant des promesses et des allusions se
référant au futur.
Ces enfants nous montrent clairement nos
limites en tant qu'éducateurs et, par là, nous mettent au défi de prendre
vraiment au sérieux l'intérêt que nous manifestons à leur égard.
Une
pédagogie spécialisée
Il s’agirait de créer les conditions pour que
la personne handicapée trouve ici et maintenant une situation qui lui permette,
grâce à ses capacités, de s'épanouir et de continuer à se développer.
Il sera nécessaire de lui fournir des
possibilités de perception appropriées et de soutenir sa capacité de mouvement,
et cela ne peut se faire qu'au moyen d'une communication attentive et pleine
d'empathie.
Une pédagogie spécialisée qui va dans ce sens
est parfaitement en mesure d'alléger et d'améliorer des situations
difficiles et défavorables.
Ainsi, ces patients pourraient découvrir qu'il
vaut la peine de vivre, qu'il y a de l'intérêt à accepter les soins d'autres
personnes et que le monde qui les entoure est rempli de nouveautés stimulantes.
Développement
basal, expérience basale
Nous savons qu’avant la naissance, l'enfant
est doté d'une perception très intense, d'une mobilité active, et qu'il a des
échanges directs avec sa mère. Chaque nouveau-né a fait ces expériences, même
si nombre d'enfants handicapés profonds ont vécu des situations de crise déjà
avant la naissance. (Nous ne pouvons donc pas partir de l'hypothèse que la vie
prénatale soit exclusivement une période paisible, voire paradisiaque.)
Nous avons quelque peu insisté sur la capacité
que possède l'enfant à percevoir avec la globalité de son corps, sur sa
capacité de se mouvoir, d'utiliser sa peau pour sentir et, à l'aide de ses
mains, de ses pieds et surtout de sa bouche, de rassembler ses premières
expériences.
Parallèlement, à un stade précoce de la
grossesse, l'enfant possède déjà la capacité d'enregistrer les vibrations et
d'y réagir, ce qui joue un rôle important.
Ces
vibrations sont provoquées par la voix de la mère, sa respiration, les
battements de son cœur et les bruits provenant de la circulation sanguine et,
de plus, par tous les bruits et toutes les voix qui pénètrent du dehors.
L'enfant est aussi exposé en permanence à la pesanteur, aux mouvements et aux
changements de posture de la mère, ce que nous qualifions de «stimulation vestibulaire».
Dans le cadre de la stimulation basale, nous
essayons de renouer avec ces expériences précoces de la vie pour trouver ainsi
une possibilité d'entrer en contact avec l'enfant, à un niveau qui, bien avant
la naissance, était significatif pour lui.
En effet, de nombreux enfants profondément
handicapés ont de grandes difficultés à faire face aux conditions modifiées du
monde à l'extérieur du corps de la mère; ils emploient souvent toute leur
énergie à rester simplement en vie. La pédagogie spécialisée doit ici
soutenir leurs forces.
Stimulation somatique
La peau est notre plus grande limite avec le monde
extérieur mais représente aussi la surface de contact. L'image que nous avons de notre corps
correspond aux expériences que nous avons vécues grâce à notre peau et à nos
muscles. Une
immobilité prolongée, une forte spasticité ainsi qu'un très faible tonus
musculaire modifient considérablement cette image. On peut penser que cette
construction corporelle comporte également des foyers négatifs, situés aux
endroits où l'on ressent sans cesse des douleurs, destinés à recevoir des
soins. Au
moyen d'une stimulation somatique, portant sur l'ensemble de la surface cutanée
et musculaire, il s'agit de vivre une expérience positive avec son propre
corps, avec sa propre individualité, avec les limites et les points de contact
avec le monde. La stimulation
somatique tente, part du milieu du corps, « modeler » le tronc en tant que
centre du corps. Plus
tard, les bras et les jambes s'y joindront, jusqu'à ce que finalement la
stimulation se termine aux mains et aux pieds. Beaucoup de handicapés profonds ont de
grandes difficultés à comprendre le simple toucher par la main comme un
contact dont la signification est considérable. Pour eux, la stimulation
doit s'effectuer d'une manière plus intense.
Il faut alors recourir à des moyens complémentaires
: morceaux d'étoffe différentes, (fourrure, plumes, éponge…) peuvent aider à
faire sentir plus clairement le toucher. La matière (étoffe ou fourrure)
intensifie la manière de sentir son propre corps, alors que le contact avec
la « peau nue » met beaucoup plus l'accent sur l'aspect communicatif. Chaque
toucher doit être suffisamment ferme, il ne doit pas être trop léger, trop
furtif ou trop bref. Le
toucher sera fluide et constant, si possible sans interruption, et une main
gardera toujours le contact avec le corps. Les
interruptions provoquent de l'irritation et ne permettent pas de vivre le corps
d'une manière harmonieuse. Ce
que les personnes profondément handicapées ne peuvent élaborer elles-mêmes à
cause de la limitation de leur activité propre doit être compensé par ces
stimulations.
L’image élémentaire du corps est labile, nous
devons tenir compte du fait que les mouvements qui seraient peut-être possibles
ne seront pas exécutés, étant donné que le sujet n'a au fond guère pris « possession
» de son corps. Le toucher de la
peau, le toucher du corps entier ont également un effet stimulant et
stabilisateur sur les émotions.
Stimulation vibratoire
Les stimulations vibratoires nous permettent
d’atteindre l'intérieur de notre corps (os, articulations). Elles sont
expérimentées lorsqu’on se lève et que l’on marche.
Le jeune enfant rampe, marche à quatre pattes, sautille, court, et de cette
manière il fait l'expérience toujours renouvelée de la
résistance que le sol offre à son corps,
Le handicap grave
interdit en général de telles expériences, la monotonie de la position assise
et couchée entraîne une accoutumance (ne plus pouvoir percevoir, prendre
conscience). Par
les vibrations manuelles (une technique utilisée physiothérapeutes), il est
possible de faire ressentir
des vibrations dans tous le corps à partir des extrémités des jambes et des bras. Nous
constatons alors, que de nombreuses personnes commencent à « écouter à l'intérieur », ils ressentent
quelque chose de tout nouveau dans leur corps. On observe que
cela entraîne une détente profonde, tout en produisant un éveil de l'attention.
Il
ne faut en aucun cas exercer les vibrations sur la musculature, car il faut
tenir compte des modifications
négatives difficilement contrôlables du tonus musculaire. Les vibrations peuvent aussi
s'exercer avec prudence au niveau du tronc et de la tête et représenter
alors une transition entre la perception (prise de conscience) des vibrations et la prise de conscience des sons
(perceptions auditives).
Stimulation vestibulaire
Notre système vestibulaire nous renseigne sur la
position que nous occupons dans l'espace, sur les accélérations, les rotations,
les montées et les descentes; il nous permet de garder notre équilibre, et
surtout, il coordonne également notre vision. Les personnes profondément
handicapées sont très fortement défavorisées, car elles ne sont pas capables de
se lever de façon active, de conquérir l'espace en rampant, en se déplaçant à
quatre pattes ou en marchant.
Nous admettons que la gravitation et la position
dans l’espace sont des expériences fondamentales pour le développement de
l'être humain.
Les stimulations vestibulaires (léger balancement), sont utiles pour
stabiliser la posture et régulariser le tonus musculaire. Ce balancement fait
apparaissait chez les personnes profondément handicapées un, bien être, sourire détendu, que l’on voit
rarement sur leur visage, (utilisation d’un hamac par exemple).
À partir de ces trois domaines fondamentaux, il est
possible d'accéder à d'autres domaines liés à la perception et au
développement: l'ouïe, le goût, l'odorat, le toucher et bien sûr la vue.
La simulation basale en
tant qu'expérience quotidienne
La S.B. pratiquée au quotidien peut-être valable et
intéressant si elle resta pratiquée dans le milieu où évolue la personne
normalement. C'est pourquoi nous devons nous efforcer d'organiser le programme
de stimulation de manière à ce qu'il s'insère dans la vie quotidienne.
La stimulation basale pourrait alors être décrite comme « la
systématisation de ce qui va de soi et de ce qui est naturel».
Petite Mise au
point
La stimulation basale ne veut pas être une
thérapie, mais une approche pédagogique. La stimulation basale n'est pas un
programme d'entraînement qui stimule les enfants au moyen de brosses, de
frottements et de gribouillages.
Elle n'est pas un programme d'approvisionnement en
stimuli.
Elle doit être une invitation à s'occuper, à partir d'une base commune, des
autres personnes, des choses et de soi-même, et d'apporter dans ce processus
une activité individuelle, aussi modeste soit elle. Il peut être extrêmement
utile de posséder de nombreuses connaissances en psychologie du développement
et de savoir quelles sont les erreurs fondamentales à éviter. Il existe un
matériel important pouvant être mis à disposition des pédagogues, des
thérapeutes et aussi des parents.