RESPONSABILITE JURIDIQUE DE L'INFIRMIERE
Références :
- Annexe au Décret 2004-802 du 29/07/04
relatif à l’exercice de la profession d ‘infirmière et aux actes
professionnels.
- Décret 94-626 du 22/07/94 relatif à la
formation des aides-soignants et auxiliaires de puériculture.
- Circulaire
DGS/PS3/DH/FH 1 n° 96-31 du 19/01/96 relative aux rôles et aux missions des
aides-soignants et des auxiliaires de puériculture
dans les établissements hospitaliers.
- Code Civil.
- Code Pénal.
Introduction :
Le droit fait désormais partie du paysage
soignant, et les tribunaux sont régulièrement saisis, produisant une
jurisprudence de plus en plus importante. La responsabilité juridique se
caractérise par le fait d’être d’ordre public, c’est à dire qu’elle s’impose au
delà et en dépit de la volonté des personnes. Après avoir précisé la notion de
responsabilité, nous distinguerons la « responsabilité-réparation »
et la « responsabilité-sanction », ainsi que les conditions
d’engagement de celles-ci, en lien avec diverses situations professionnelles.
Enfin nous traiterons plus précisément de la collaboration
infirmière/aide-soignante et du cadre prévu dans les textes.
1 - La notion de
responsabilité :
C'est le principe selon lequel chacun
doit répondre des conséquences de ses actes (ou de n'avoir rien fait).
C'est l'obligation de réparer le dommage que l'on a causé par sa faute.
Article 1382 du Code Civil :
"Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer".
La loi organise la façon dont chacun
doit répondre des conséquences de ses actes.
2 - Les
différentes responsabilités :
A -
Responsabilité civile, ou administrative (responsabilité-réparation).
On parle de responsabilité civile dans
le secteur privé, et de responsabilité administrative dans le secteur public.
Il s'agit
de répondre d'un préjudice causé à autrui afin d'en assurer la
réparation en cas de faute.
Celui qui par sa faute a causé un
dommage à autrui doit réparer le préjudice ainsi causé. Cette réparation,
généralement par une somme
d'argent (appelée alors dommages-intérêts), est le but de la
responsabilité civile ou administrative.
Ce sont généralement les établissements
employeurs qui prennent en charge les dommages-intérêts à payer au patient.
Tribunaux compétents :
- secteur privé : Tribunal d’Instance ou
de Grande Instance,
- secteur public : Tribunal
Administratif
B -
Responsabilité pénale (responsabilité-sanction).
Il s'agit de punir celui qui a commis
une faute visée par le Code pénal,
que l'on appelle alors une infraction (contravention, délit, crime).
La punition est prononcée, au nom de la
société par le tribunal ; il peut s'agir soit d'une peine d'amende, soit d'une
peine d'emprisonnement (avec ou
sans sursis), soit des deux à la fois. Cette peine est le but de la
responsabilité pénale.
La responsabilité pénale est individuelle.
L’article 121-1 du Code Pénal énonce
que « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. »
Tribunaux compétents :
- contraventions : tribunal de police,
- délits : tribunal correctionnel,
- crime : cour d’assises.
Exemple : condamnation d’une
infirmière pour coups et blessures involontaires après une lésion du sciatique.
Faute
établie : injection IM faite dans le cadran supéro-interne de la fesse.
C - Responsabilité disciplinaire :
La punition prend le nom de sanction ou de
sanction disciplinaire. Elle est prononcée au nom de l'employeur à l'encontre
de l'employé.
3 - Conditions
d'engagement de la responsabilité :
Pour que la responsabilité soit
engagée, trois éléments doivent exister :
- la faute : dès lors qu'elle est prouvée, elle est de nature à
engager une responsabilité ; une faute n'est pas nécessairement volontaire, elle peut résulter d'une
imprudence, d'une inattention, d'une négligence.
- le
préjudice : il désigne au pire le décès du
patient, sinon une blessure, ou une prolongation ou aggravation de sa maladie.
La gravité du préjudice conditionne
le montant des dommages-intérêts qui seront alloués à la victime ou à ses
ayants droits.
- le lien de
causalité : un lien de cause à effet entre
la faute reprochée et le préjudice subi par le patient ou sa famille doit exister.
Parfois,
une même faute peut engager les différents types de responsabilités, entraîner
des dommages-intérêts, une peine et une sanction disciplinaire.
Exemple : une infirmière qui commet une erreur dans
l’application d’une prescription (erreur de dosage du produit)…cause la mort du
patient. Elle pourra être poursuivie pénalement (délit : homicide
involontaire, puni par une peine d‘emprisonnement et/ou d‘amende), disciplinairement
par l’hôpital ou la clinique, et civilement (la famille du patient va
demander des dommages-intérêts pour le préjudice qu’elle a subi à la suite du
décès de ce parent).
4 - La
collaboration IDE/AS :
Selon le Larousse 2005, collaborer signifie
"travailler avec", "coopérer".
La collaboration est définie dans
l'article R. 4311-4 du décret 2004-802 du 29/07/04 : "Lorsque les
actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont
dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire,
social ou médico-social, l'infirmier(e) peut, sous sa responsabilité,
les assurer avec la collaboration d'aides-soignants,
d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-psychologiques qu'il
encadre, et dans la limite de la qualification reconnue à ces
derniers du fait de leur formation...".
La collaboration s'exerce sous la responsabilité
de l'infirmier(e), c'est à dire à son initiative et sous son contrôle.
La collaboration nécessite 2
conditions cumulatives (qu'on ne peut pas dissocier) :
- exclusivement des actes ou soins
relevant du rôle propre,
- actes ou soins que l'AS, l'AP, ou
l'AMP a acquis dans le cadre de sa formation.
La
collaboration entraîne la responsabilité solidaire. En cas de faute, préjudice
et lien de causalité, la responsabilité sera partagée : l'infirmier(e) est
responsable des faits des personnes sous sa garde (art. 1384, Code Civil) ;
l'aide soignante qui collabore peut causer un préjudice (art. 1383, Code
Civil).
ATTENTION :
Déléguer
signifie "charger quelqu'un de faire à sa place", "transmettre
(ses pouvoirs)". Le seul cas existant de délégation d'actes possible dans
le domaine des soins, concerne l'interne, qui agit toujours "par
délégation et sous la responsabilité de son chef de service".
A RETENIR :
·
Chacun doit
répondre des conséquences de ses actes : c'est la responsabilité.
·
La responsabilité
est engagée à 3 conditions : la faute, le préjudice et le lien de causalité.
·
La responsabilité
civile (secteur privé) ou administrative (secteur public) a pour but la
réparation du préjudice (appelée dommages-intérêts).
·
La responsabilité
pénale a pour but d'infliger une peine (amende ou emprisonnement), au nom de la
société, à la personne qui a commis la faute.
·
La collaboration
s’exerce dans le cadre du rôle propre, et l’infirmière ne peut pas se départir
de son rôle d’encadrement. La collaboration favorise le partage de
responsabilité entre l’IDE et l’AS. Elle ne doit pas être confondue avec le
terme de délégation.
Bibliographie :
« La responsabilité juridique de
l’infirmière » : C. Boissier-Rabaud ; G. Holleaux ; J. Zucman. Editions
Lamarre (5° Ed).
« Lettre d’un avocat à une amie
infirmière » : Droit et pratique du soin : Gilles Devers. Editions
Lamarre.
« Revue SOINS n°639, n°643,
n°646, fiche législation » : Editions Masson
Intervenant
: Monier Karen,
Infirmière - étudiante à l’Institut de Formation
des Cadres de Santé de Marseille - Promotion 2004/2005