CANCER DU COL

 

Le cancer du col utérin est le deuxième cancer gynécologique par ordre de fréquence avec une incidence de 13 cas pour 100 000 femmes et par an c’est-à-dire environ 5 000 nouveaux cas par an en France.

 

     La fréquence de ce cancer et ses conséquences ont régressé depuis 30 ans, grâce au dépistage.

 

     Le cancer épidermoïde est le plus fréquent et constitue un modèle en cancérologie pelvienne puisque l’on connaît son étiologie principale ( les papillomavirus ), sa physiopathologie (intégration du génome viral et transformation cellulaire ) et l’histoire naturelle de la maladie. Il est précédé par une phase pré-invasive que l’on peut dépister et traiter.

 

Etiologie

 

 L’étiologie des cancers du col utérin est connue. Les infections cervicales à papillomavirus humains (HPV) sont en effet considérées comme la première cause de cancer du col. Les HPV sont contractés lors des rapports sexuels. Ils sont à l’origine de l’apparition des dysplasies cervicales. Les HPV 16 et 18 sont plus fréquemment retrouvés que les autres sérotypes, dans les lésions épithéliales de haut grade et les cancers.

 

     Le mécanisme d’action principal des HPV est l’intégration de leur génome à celui des cellules cibles. Cette intégration permet la dérégulation du génome viral avec synthèse accrue des protéines virales E6 et E7 qui se lient aux protéines cellulaires p53 et pRb. L’affinité de ces onco-protéines virales pour p53 et pRb est d’autant plus élevée qu’elles sont issues des virus à risque HPV 16 et 18. Par ailleurs l’intégration du génome viral se fait à proximité du proto-oncogène cellulaire c-myc.

 

     Il en résulte une prolifération anormale des cellules au niveau de la zone de jonction ainsi que leur transformation. On aboutit à la constitution d’une lésion épithéliale de haut grade, d’un carcinome in situ puis d’un cancer invasif.

 

Histoire naturelle

 

Les cancers épidermoïdes du col naissent de la zone de jonction. Ils ont une évolution qui est longtemps loco-régionale.

 L’extension se fait dans la profondeur du col, vers les paramètres, le vagin, la vessie, le rectum, plus rarement le corps utérin.

 

     Le cancer du col a avant tout une extension lymphatique. Il faut savoir que des vaisseaux lymphatiques sont présents à moins de 3 mm sous la membrane basale de l’épithélium cervical. Le drainage lymphatique du col se fait, via le paramètre, vers les ganglions situés sous la veine iliaque externe et dans la bifurcation de la veine iliaque commune. Ces relais peuvent être considérés comme les relais sentinelles du cancer du col. L’extension se fait ensuite vers les ganglions iliaques communs puis les chaînes lombo-aortiques. Le drainage direct du col vers les chaînes lombo-aortique est rare. En l’absence de métastase ganglionnaire pelvienne, le risque d’observer une métastase lombo-aortique est inférieur à 3 %.

 

Facteurs de risque

Tous les facteurs épidémiologiques associés aux infection cervico-vaginales à HPV constituent des facteurs de risque pour le cancer épidermoïde du col utérin :

·         Premiers rapports sexuels précoces, partenaires multiples

·         Première grossesse précoce, multiparité

·         Instabilité maritale

·         Tabagisme

·         Immunodépression

·         Infection du (des) partenaire(s) par les HPV

     Les sérotypes 16 et 18 sont associés au risque carcinogénétique le plus grand.La contraception orale (en particulier séquentielle) a été incriminée dans la genèse des adénocarcinomes.L’absence de dépistage et de suivi gynécologique constitue un facteur de risque majeur.

 

Circonstances de découverte

L’âge moyen au diagnostic est de 54 ans.

     La survenue de métrorragies provoquées par les rapports sexuels ou les toilettes doit faire évoquer une lésion cervicale. Parfois le cancer du col se révèle par des leucorrhées associées à du sang.

     La reconnaissance de métrorragies post-ménopausiques impose :

     1 : d’examiner le col utérin (+/- frottis)

     2 : d’explorer l’endomètre

 

     La constatation de douleurs pelviennes, de signes urinaires ou digestifs, signe une extension locale déjà avancée.

 

     Si le dépistage était correctement organisé en France, le cancer du col serait découvert sur un test de dépistage (frottis cervico-vaginal) ou sur une pièce de conisation réalisée pour une dysplasie sévère.

 

Examen clinique

L’interrogatoire retrouve les facteurs de risque

L’examen abdominal vérifie l’absence d’ascite et de masse palpable.

La mise en place du spéculum permet d’observer le col porteur d’une lésion ulcéro-végétante que l’on biopsie. On vérifie l’absence d’extension macroscopique sur le vagin. On note la taille du col.

L’examen général recherche des signes d’extension hépatique, thoracique et surtout sur les aires ganglionnaires, inguinales, crurales ou le ganglion de Troisier.

 

    La stadification du cancer du col est clinique

     On réalise un examen sous anesthésie générale, avec un chirurgien et un radiothérapeute qui confrontent leurs résultats.

     On note la taille du col, sa mobilité par rapport à la paroi, l’extension vaginale, l’extension aux paramètres par le toucher rectal. On associe systématiquement une cystoscopie. Il est utile de réaliser un schéma qui comporte l’ensemble de ces éléments.

     Le stade du cancer est connu à la fin de cet examen, et l’on peut décider de la stratégie thérapeutique.

Dans le cas où une curiethérapie pré-opératoire est réalisée, on peut profiter de l’anesthésie pour réaliser l’applicateur ou l’insérer.

 

Bilan d'extension

L’examen de première intention est le scanner abdominopelvien, ou mieux l’IRM qui permet de mesurer la taille du col, d’étudier l’extension aux paramètres, à la cloison recto-vaginale, à la cloison vésico-vaginale, l’intégrité rénale et enfin d’évaluer l’extension ganglionnaire.

 

     La spécificité de l’IRM est bonne en ce qui concerne l’extension locale de la tumeur. Les sondes endovaginales et endorectales amélioreront très certainement encore les performances de l’examen. Inversement la sensibilité du diagnostic de l’extension ganglionnaire n’est que de l’ordre de 60 %. En effet l’IRM ne peut détecter que des ganglions augmentés de volume, alors que 50 % des ganglions métastatiques ont un volume normal.

 

Méthodes de traitement du cancer du col

 

La colpohystérectomie élargie représente l’intervention de référence pour le traitement du cancer du col. On en définit 5 classes différentes en fonction de sa radicalité.

Elle est classiquement réalisée par laparotomie.

La durée moyenne d’hospitalisation est de 7 jours, avec réalisation systématique d’une U.I.V avant la sortie afin de vérifier l’absence de complication urinaire infraclinique.

La durée de la convalescence est supérieure à 6 semaines.

Il faut souligner que plusieurs équipes ont décrit des hystérectomies élargies coelioscopiques. Cette voie d’abord semble limiter les saignements per-opératoires et réduire significativement le séjour hospitalier. Cependant le recul est encore trop faible pour valider cette technique en pratique courante.

     On associe systématiquement un curage pelvien qui prélève les chaînes situées en dedans et sous les vaisseaux iliaques externes (notamment les relais localisées dans la bifurcation iliaque) ainsi que les relais iliaques primitifs et du promontoire. On associe souvent un curage lombo-aortique .  

     La chirurgie élargie expose à un certain nombre de complications. La mortalité est aujourd’hui très limitée ( inférieure à 1 % ). Mais il faudra rechercher :

 

-    Les fistules urétéro-vaginales : 10 % (écoulement d’urines permanent). Leur fréquence

     augmente avec la radicalité de l’hystérectomie.

-    Les sténoses urétérales : 5 % des cas.

-    Les fistules vésico-vaginales sont plus rares ( moins de 5 % ).

-    Les dyskinésies vésico-urétrales sont fréquentes liées à la dénervation, la dévascularisation, la modification des rapports anatomiques.

-    Les lymphocèles sont plus fréquement observées si le curage a été suivi d’une péritonisation et d’un traitement par l’héparine.

 Il est également possible de réaliser des hystérectomies élargies par voie basse. On distingue les interventions de SCHAUTA-STOECKEL de l’intervention de SCHAUTA-AMREICH en fonction de leur radicalité. Ces interventions amènent les avantages de la chirurgie par voie vaginale mais imposent de réaliser les curages par coelioscopie :

 

-      récupération post-opératoire plus rapide,

-      moins de complications thrombo-emboliques, etc.

 

Radiothérapie

On utilise généralement une association d’irradiation externe par des photons de haute énergie d’un accélérateur nucléaire (10 - 25 MV) et de curiethérapie. 

     La radiothérapie externe est délivrée par 4 faisceaux orthogonaux. Elle concerne l’utérus, les paramètres et les aires ganglionnaires pelviennes. L’irradiation vaginale est fonction des données de l’examen clinique initial. La dose délivrée dans le volume tumoral est de 45 - 50 Gy en 4 à 5 semaines à raison de 5 séances hebdomadaires de 2 Gy. Un complément de 20 - 25 Gy peut être réalisé sur la tumeur, les chaines ganglionnaires, les paramètres en fonction du stade TNM et de la stratégie thérapeutique globale. La dose de radiothérapie externe tient compte d’une éventuelle curiethérapie associée.

 

 

 

     Il existe deux techniques de curiethérapie :

·         la plésiocuriethérapie (ou endocavitaire) lorsque les sources radioactives sont mises dans les cavités naturelles : curiethérapie vaginale ou utérovaginale.

·         la curiethérapie interstitielle lorsque les sources sont implantées directement dans le tissu tumoral, lors d’une récidive vaginale ou paramétriale par exemple.

 

     Les sources utilisées en France sont l’Iridium 192 (haut et bas débits) ou le Césium 137. Elles sont mises en place par le biais d’un applicateur standard ou personnalisé (après moulage anatomique adapté à chaque patients). Une hospitalisation en milieu protégé est nécessaire. Sa durée est fonction de l’étude dosimétrique systématiquement réalisée. Les doses délivrées varient là encore selon la stratégie thérapeutique globale (60 Gy pour les curiethérapies utérovaginales pré-opératoire, 20 Gy pour les curiethérapies vaginales post-opératoires après irradiation pelvienne).

 

     La radiothérapie expose un certain nombre de complications :

·         complications précoces survenant en cours de traitement, banales et réversibles: nausées, vomissements, diarrhée, cystite.

·         complications tardives, à distance du traitement, en règle définitives mais heureusement rares: urinaires ( fistules urétéro et vésico-vaginales, sténoses urétérales ), digestives ( rectites radiques, grêles radiques ), vaginales ( rigidité, sténose ).Leur fréquence a notablement été réduite grâce à l’utilisation de la dosimètrie par ordinateur. Une étude prospective récente à montré que on déplorait encore 12 % de complications de grade III.

 

Association radio-chirurgicale

  Le but de cette association est de réduire les complications en diminuant la dose de radiothérapie et la radicalité de la chirurgie. Elle associe une curiethérapie pré-opératoire qui délivre 60 Gy sur le col et le vagin, destinée à stériliser la pièce et à diminuer le volume tumoral. Elle est suivie 6 semaines plus tard par une colpohystérectomie élargie de type II destinée à éviter les récidives locales, la pyométrie ou les cancers de l’endomètre secondaires à une irradiation. Elle est complétée par une irradiation externe post-opératoire sur les aires ganglionnaires métastatiques.

 

     Elle expose néanmoins à un certain nombre de complications : fistule dans environ 3 % des cas, sténose urétérale dans 3 à 6 % des cas, dysfonctionnement vésical, fistule recto-vaginale dans 2 % des cas, lymphocèle, accidents thromboemboliques et altération notable de la sexualité avec arrêt complet de celle-ci dans plus de 20 % des cas.

     Une série prospective contrôlée récente a montré que des complications de grade III étaient observées chez 27 % des patientes traitées par une association radiochirurgicale.

 

Chimiothérapie

Elle s’adresse aux formes métastatiques. La chimiothérapie entraîne une réduction du volume tumoral dans 50 % des cas avec une régression complète de la tumeur dans 30 % des cas.

     Sont classiquement utilisés les sels de platine, le 5fluorouracile, l’étoposide et l’ifosfamide, le plus souvent en association.

     Actuellement se développent dans les formes localisées de gros volume les chimiothérapies néoadjuvantes et surtout les associations radiochimiothérapiques, les cytostatiques choisis étant radiosensibilisants. La chimiothérapie néoadjuvante permettrait d’améliorer la survie de certains cas.

 

Formes localisées

La survie à 5 ans est comprise entre 80 et 85 % quelque soit la méthode utilisée : chirurgie, radiothérapie, association radio-chirurgicale. La survie est supérieure à 95 %à 5 ans pour les formes N- , et de l’ordre de 60 % à 5 ans pour les formes N+ pelviennes.

 

Surveillance post-thérapeutique

Le rythme de surveillance initial est semestriel, puis annuel.

Elle comporte un examen général, un examen pulmonaire, digestif ( occlusion, fistule ), urinaire ( fistule, sténose, dysfonctionnement vésico-urétral ), gynécologique avec mise en place d’un spéculum, réalisation de frottis vaginaux et touchers pelviens.

On vérifie également les aires ganglionnaires. On demandera un dosage régulier du SCC sérique.

 

Dépistage

Le dépistage organisé du cancer du col par la réalisation de frottis cervico-vaginaux tous les deux ou trois ans a montré que l’on pouvait obtenir une réduction importante de la mortalité par cancer du col ( 30 à 40 % ) chez les femmes âgées de 45 à 65 ans (1). En France ce dépistage n’est pas organisé. Le dépistage est donc individuel. Il consiste en la réalisation de frottis cervico-vaginaux tous les 2 à 3 ans en l’absence de facteurs de risque, et après avoir vérifié la normalité du col par deux frottis normaux à un an d’intervalle.

 

     Le résultat des frottis devrait être exprimé selon la classification de BETHESDA : frottis normal, frottis inflammatoire, frottis dystrophique, dycaryose, frottis ininterprétable. Cette classification à le mérité d’être claire et de guider le médecin dans la conduite à tenir. Les femmes présentant une dyscaryose doivent alors subir un test diagnostique : la colposcopie avec biopsies. Cet examen permet d’observer le col et de repérer les zones pathologiques, d’apprécier la gravité des anomalies, et de faire des biopsies à l’endroit qui parait le plus pathologique.

Les femmes présentant des facteurs de risque doivent bénéficier d’un frottis annuel.  

     Le dépistage et le traitement des formes pré-invasives doit permettre de traiter ces femmes de façon conservatrice, en préservant leur intégrité anatomique et fonctionnelle.